Oh ! Cette histoire de dictionnaire m'était complètement sortie de l'esprit ! Je serai absolument ravi de pouvoir te répondre à ce sujet... si tu me retrouves la discussion ! Je créerai même un topic dédié :D
Sur ta réponse là, je vais faire bref parce qu'il n'y a pas grand chose à dire, c'est effectivement décousu. Tu n'as pas réagit à mon premier post de 5 mètres 64, j'espère que tu le feras, car c'était quand même la question la plus importante.
Sur la distinction sciences molles vs sciences inhumaines, je pense que le problème vient du fait que ce sont deux catégories bien trop grandes. En fait là, on parle de manière très générique, et on sait pas de quoi on parle, voire on parle pas de la même chose. Par exemple, le reproche que tu fais à la sociologie, ça me semble être à la sociologie
quantitative qui, effectivement, singe les méthodes des sciences dites dures et se rend parfois coupable des torts que tu lui prêtes : réductionnisme, confusion des corrélations et des causalité, négligence des variables cachées, etc. Moi, quand je donne une "définition générale des SHS", j'avoue ne pas avoir en tête ce genre de pratique mais plutôt la sociologie qualitative (ou l'histoire, ou l'analyse du discours, ou l'anthropologie, ...). Ces disciplines là acceptent que leur but n'est pas de chercher des causes ni des lois (elles ne sont pas nomothétiques) mais de décrire avec précision des conditions. Par exemple, pour expliquer le comportement d'un individu dans un isoloir au moment de voter, elles ne vont pas prendre mille individus et comparer leur vote à quelques variables qu'elles auront déterminé à l'avance (la CSP, le lieu de vie, le sport pratiqué...), mais elles vont en prendre un seul (j'exagère à peine), et elles vont chercher à décrire avec le plus de finesse possible l'ensemble des éléments qui ont pu jouer un rôle dans son vote, donc sa CSP et son lieu de vie bien sûr, mais aussi son enfance, les discussions qu'il a avec ses collègues le matin à la machine à café, sa personnalité, son état de santé courant, jusqu'à ce qu'il a bouffé à midi ou le temps qu'il fait au moment où il vote (on sait par exemple que les diagnotics collectifs des médecins dans le cas de maladie grave sont moins pessimistes quand le soleil pointe son nez par la fenêtre ;) ). Ce faisant, elles ne s'interdisent pas de monter en généralité, et peuvent pointer du doigt des conditions plus ou moins importantes mais à aucun moment elles ne cherchent, comme tu le dis, à réduire à un élément des comportements complexes et à déduire des lois.
Bon entre ces SHS idiographiques et les SHS nomothétiques, il y a un monde. Chacun ont leurs intérêts et leurs failles : les premières prennent le risque de ne rien dire de ne jamais rien dire de général sur leurs objets et les secondes de se prendre pour ce qu'elles ne sont pas en prétendant apporter la vérité définitive sur le monde.
Du coup, quand tu dis ça :
Citation :
Que l'intégralité des théories de cette science ne soient que très peu vérifiables et que ce que l'on considère comme preuves irréfutables soient uniquement des études statistiques qui par essence sont spécieuses puisque ne peuvent prendre en compte tous les paramètres et surtout qu'on peut leur faire dire à peu près ce que l'on veut, ca pose déjà plus de problèmes.
Tu parles des secondes, et je suis plus ou moins d'accord avec toi. MAIS, attention, car le reproche que tu leur fait est tout aussi applicable aux sciences dites dures : on utilise beaucoup de modélisations mathématiques, et on leur fait dire ce qu'on veut ! Un autre travail récent montrait que dès qu'on augmentait la cohorte, la plupart des études de génétique qui corrélaient la présence d'un gène à une pathologie devenaient non significatives !
Par ailleurs, si dans notre discussion, on mélange différents types de SHS, toi, quand tu parles de sciences dures, tu me sembles mélanger sciences et ingénierie, ce qui n'a rien à voir ! Evidemment que l'ingénierie arrive à des résultats reproductibles (modulo les frottements ;) ), c'est son boulot ! Ce n'est pas pour autant qu'elle
connaît le monde. La science, c'est ce qui prend un objet empirique et qui le transforme en objet de connaissance. Il ne suffit pas d'établir des causalités pour faire de la science, il faut plaquer dessus une interprétation et une théorie ! Quand ça marche et qu'on ne sait pas pourquoi, c'est pas de la science ! Et quand je parlais de frottements, tu n'as pas compris parce que j'ai été un peu lapidaire : c'est juste une remarque classique pour souligner que les sciences dites exactes ne le sont jamais vraiment puisqu'elles négligent toujours partiellement des choses.
Bref, pour conclure :
Citation :
Citation :
On parle de sciences molles vs dures avant tout parce que les premières font appel à l'interprétation, qu'elles analysent toujours leurs objets dans des conditions non reproductibles, et qu'elles ne proposent pas de loi déterministes à 100%
Entièrement 100% d'accord avec ta vision. Le souci c'est que tu SEMBLES n'y voir aucun probleme (ce qui me surprends de ta part sincèrement).
Non, je n'y vois aucun problème. Si tu y vois un problème, c'est parce que tu penses que la seule rationalité valable pour produire des connaissances sur le monde, c'est la rationalité démonstrative. Or, je pense (hum... je sais...) qu'il y a des choses, dont notamment les affaires humaines, qui ne peuvent être traitées sur ce mode et qui demandent un autre type de rationalité : la rationalité délibérante. En gros, là ou la science positive ne peut apporter de réponse (pourquoi y'a des guerres ? pourquoi les gens tombent amoureux ? les nouvelles technologies sont-elles dangereuses ? internet favorise-t-il le conspirationnisme ?), soit on abdique et on laisse l'irrationalité répondre, soit on se dit qu'il y a des "sciences molles", sur un mode de rationalité différents, qui peuvent avoir quelque chose à dire. Je suis de ce côté là : ni scientiste, ni irrationaliste.
PS. j'ai mis "JMB" dans le titre parce qu'il me semble que ce que je raconte répond en partie à son post :
JMBeau a écrit :
Maintenant sur le fond, est-ce que le distinguo avec les sciences dites "dures" ne vient pas de la difficulté qu'a une science à établir des prédictions précises ? En toute humilité, je n'ai pas assez de connaissances en socio, donc vous me montrerez peut-être le contraire. Et de toutes façons, ça ne signifie pas que ça ne sert à rien, mais juste qu'on en attend pas les mêmes choses.
En effet, la distinction de sens commun se base principalement là dessus, prédictibilité vs non prédictibilité. Et l'utilisation de chiffres, parce que ça fait sérieux. C'est pour ça qu'une certaine sociologie et une certaine psychologie qui se sentent insécures essayent d'imiter ces sciences en faisant des stats et en cherchant des facteurs déterministes. Et elles s'ouvrent à toutes vos critiques. Après, franchement, quand on sort du café du commerce et qu'on entre dans le détail de l'analyse des pratiques scientifiques, on s'aperçoit que c'est beaucoup plus compliqué que la vieille dualité sciences dures vs molles ou sciences humaines vs sciences inhumaines. Degré et nature, toussa toussa.